En ce qui concerne le romantisme allemand : vous pensez à David Caspar Friedrich, Anton Graff, Carl Blechen et si vous êtes réellement passionnés comme moi, Gustav Carus, Shadows, et ainsi de suite. Malheureusement, aucune femme ne vous vient à l'esprit. Cependant, il y avait à l'époque une portraitiste de renom. Elle porte le nom de Caroline Bardua et je souhaite vous faire part de son histoire aujourd'hui.
Quand on étudie l'histoire de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, faute de photographies, on part à la recherche de portraits, de peintures…Souvent, on s'aperçoit que la majorité des portraits se regroupent, mais on accorde peu d'importance à l'étude de la vie des auteurs de ces portraits, car ces derniers sont oubliés par rapport au personnage historique sur lequel on cherche des informations.
Dernièrement, j'ai appris que derrière l'un des plus fameux portraits du peintre David Caspar Friedrich se trouvait une portraitiste de grande renommée, que je connaissais déjà sans le savoir, car elle avait peint de nombreux portraits d'allemands célèbres entre la fin du XVIIe siècle et le XIXe siècle, tels que Goethe et sa femme, Martin Luther, Paganini, Carl Maria von Weber. Dans mes nombreux livres (en français) sur la peinture romantique allemande, j'ai été interrogé si elle était mentionnée. Cependant, à l'exception des portraits obligatoirement illustrés de son nom, il n'y avait aucune ligne, aucune phrase sur sa vie.
Aujourd'hui, je vais donc vous la présenter et tenter de la positionner à son ancienne place au XIXe siècle, à laquelle elle mérite d'être aujourd'hui parmi les autres artistes allemands de la période romantique. De plus, le 2 juin 2024, nous célébrerons les 160 ans de sa disparition.
Caroline Bardua est née le 11 novembre 1781 à Ballenstadt dans ce qui est aujourd'hui le parc national de la forêt de Hartz et le Lander de Saxony-Anhalt. Elle naît dans une famille de valets au service du prince local d'Anhalt-Bernbourg depuis des générations. Elle est la sœur aînée de Wilhelmine née en 1798.
Le statut social et la protection du prince lui permettent d'étudier dans une école pour filles, où elle se découvre des talents pour le dessein. Elle apprend la peinture à Weimar, chez Johann Heinrich Meyer de 1805 à 1807, puis chez Gerhard von Kugelgen jusqu'en 1811. Elle a appris l'art du portrait auprès de ses maîtres. Caroline Barua a réalisé de nombreux portraits de peintres pour le musée Albertinum de Dresde, qui a hérité une grande partie des œuvres des élèves de Kugelgen.
À Weimar, elle réalise ses premiers portraits, dont celui de Johann Wolfgang von Goethe. On constate que le trait est encore brouillon et peu maitrisé.
À Dresde, elle devient très proche de David Caspar Friedrich, dont elle réalise de nombreux autoportraits, soit au crayon, soit à la peinture.
Les deux artistes étaient très proches, d'ailleurs le peintre romantique visitait souvent la famille Bardua dans sa maison de Ballensted et en tira un tableau où l'on voit Caroline Bardua de dos, sur la terrasse du jardin.
En 1819, après un voyage dans toute l'Europe et notamment à Paris, Caroline Bardua et sa sœur décident de s'installer à Berlin pour tenter leur chance. La ville est alors la ville la plus dynamique d'Allemagne, capitale du royaume de Prusse, un des grands vainqueurs de Napoléon en 1815. La majorité des grands artistes germanophones rêvent alors de réussir à Berlin. Elle abrite un salon artistique très apprécié par les deux sœurs et fréquenté par de grands artistes de l'époque tels que le poète Ernst Langbein. Dans un premier temps, elle échoue, on sait que son style éloigné des normes académiques de la cour de Prusse ne convenait pas au départ. En 1827, elle a dû partir de la ville avec sa sœur, où elle a vendu son art avec succès dans plusieurs villes allemandes. De cette façon, elle retourna avec prestige dans la capitale de la Prusse et pouvait vivre de son art. L'académie des Beaux-Arts de Berlin accorda à Caroline Bardua une pension annuelle de 100 thalers à partir de 1839.
Caroline Bardua finit les derniers jours de sa vie dans sa ville natale de Ballenstedt entre 1852 et sa mort en 1864. Restée célibataire toute sa vie, elle reste aujourd'hui une des rares femmes peintres à avoir réussi à s'imposer au milieu des hommes à la cour de Berlin.
On peut lire sa biographie écrite par sa sœur, voir ses peintures dans les différents musées allemands, à Berlin, Dresde, Bonn, Weimar et d'autres villes.
Comme un symbole, aujourd'hui dans sa ville natale, il n'existe qu'une rue au nom de sa famille, mais il n'y a pas de musée à son nom, mais un immense musée à l'honneur de son ancien maître Gerhard von Kügelgen . Comme si même sa petite ville natale ne la connaissait pas.
Pour l'anecdote, pour les besoins de cet article, j'ai contacté l'office de tourisme de la ville de Ballensted et ils ne savaient même pas de qui je parlais. J'espère qu'un jour le travail de Caroline Bardua sera mis à l'honneur par une biographie, une thèse, une exposition nationale ou internationale.
Incroyable que même sa ville de naissance ne la connaît pas ! Merci de nous la faire connaître !